L’employeur doit communiquer au CSE toutes les informations nécessaires pour lui permettre d’exercer sa mission. Lorsque le CSE estime ne pas disposer d’éléments d’information suffisants, il peut saisir le tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond afin d’obtenir les informations manquantes. C’est ce que prévoit l’article L. 2312-15 du code du travail. Cette procédure est-elle applicable en dehors de tout processus d’information consultation ? C’est la question posée dans cet arrêt.
► S’il concerne un comité d’entreprise, cet arrêt est tout à fait transposable au CSE et aux règles en vigueur aujourd’hui. Par ailleurs, la BDES (base de données économiques et sociales) est renommée BDESE (E comme environnement) depuis le 25 août 2021 (lire notre article).
Dans cette affaire, les élus du comité d’entreprise estiment que la BDES est incomplète.
► Pour rappel, la base de données économiques sociales et environnementales (BDESE) est un outil central du dialogue social. Elle rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux informations consultations du CSE. En outre, les informations contenues dans la BDESE doivent porter sur les deux années précédentes et l’année en cours, et doivent intégrer les perspectives sur les trois années suivantes (C. trav., art. L. 2312-36).
Les élus saisissent donc le juge afin que soit établies et mises à leur disposition les informations prévues par le code du travail, ainsi que, notamment, les données prévisionnelles pour les années 2019, 2020 et 2021. En effet, les rubriques prospectives de la base de données de l’entreprise n’étaient complétées que des sigles « +, -, =, n/a (non adaptable), n/d (non disponible) ». Or, selon les élus, de tels sigles ne constituent ni l’indication de « grandes tendances » ni l’exposé des raisons faisant obstacle à la mention de ces dernières.
Seulement, plutôt que d’agir dans le cadre de l’action prévue par l’article L. 2312-15 du code du travail impliquant une procédure accélérée au fond , ils agissent selon la procédure « classique » de référé. Selon eux, puisqu’ils agissent en dehors de tout processus d’information consultation, ils peuvent saisir le juge des référés, sans passer par l’action spécifique prévue par l’article L. 2312-15 du code du travail. Ils demandent donc au juge de reconnaître un trouble manifestement illicite en raison du déficit d’informations. Le trouble manifestement illicite permet de fonder la compétence du juge des référés.
► Dans le cadre d’une procédure accélérée au fond, le juge peut statuer sur le fond de l’affaire. Au contraire, la procédure de référé, qui est une procédure d’urgence, ne donne lieu qu’à des mesures provisoires.
La cour d’appel ne valide pas cette analyse et refuse de reconnaître un trouble manifestement illicite. Elle estime, notamment, que les élus du comité auraient dû passer par la procédure accélérée au fond prévue spécifiquement par le code du travail pour demander la communication d’informations manquantes.
Dans son arrêt du 24 novembre 2021 (n° 20-13.904), la Cour de cassation donne raison à la cour d’appel. Il en résulte que le CSE ne peut demander la communication d’informations manquantes que par le biais de la procédure accélérée au fond, comme cela est prévu par l’article L. 2312-15 du code du travail, peu important que la demande intervienne en dehors de tout processus d’information consultation.
Or, la BDESE est le vecteur principal d’information du CSE. Lorsque celle-ci est incomplète, le CSE qui estime ne pas disposer d’éléments suffisants doit donc utiliser cette procédure accélérée au fond pour demander à ce que la base de données soit complétée.
Le CSE ne peut pas passer par la voie du référé, sous prétexte de se trouver hors procédure d’information consultation.
► Il semble donc que, par cet arrêt, la Cour de cassation tende à instaurer un régime unique de demande d’informations complémentaires, ce qui est, selon nous, gage de simplicité. En outre, cela pourrait permettre aux représentants du personnel d’obtenir plus rapidement une décision au fond, et ce, même en dehors de toute procédure de consultation.