En juin 2017, un salarié est élu représentant du personnel de son entreprise, en qualité de titulaire, dans le collège des employés. Par lettres des 3 avril et 3 juillet 2018, l’employeur lui demande de justifier de l’utilisation de ses heures de délégation. Quelques mois plus tard, il porte l’affaire en justice en vue d’obtenir le remboursement des heures de délégations payées au représentant du personnel.
Pour lui, l’élu du personnel n’avait pas à puiser dans son crédit d’heures pour participer à des réunions syndicales. Notons qu’à l’époque des faits, le salarié a été élu comme membre de la délégation unique du personnel (DUP), regroupant le comité d’entreprise et les délégués du personnel. Même si cette instance a disparu, la décision rendue par la Cour de cassation conserve tout son intérêt pour les élus du CSE.
Les heures de délégation, comment ça marche ? Les heures de délégation prises par le représentant du personnel sont présumées avoir été utilisées conformément à l’objet du mandat représentatif. On dit qu’elles bénéficient d’une présomption de bonne utilisation. Toujours est-il que l’employeur peut, après avoir payé en travail effectif les heures utilisées, demander au représentant du personnel de lui fournir des indications sur l’utilisation des heures en question. Sous peine de poursuites en justice, le représentant du personnel doit répondre à cette demande. S’il continue à contester l’usage qui a été fait des heures de délégation, l’employeur doit intenter une action en remboursement devant les prud’hommes. C’est alors à lui, et à lui seul, de prouver que les heures de délégation n’ont pas été utilisées conformément à l’objet du mandat. Autrement dit, que le représentant du personnel a pris des heures pour des activités étrangères à son mandat. |
Dans cette affaire, l’action de l’employeur échoue. Comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 8 novembre 2023, c’est à l’employeur qui conteste en justice l’usage qui a été fait des heures de délégation de prouver « la non-conformité de l’utilisation de ces heures avec l’objet du mandat représentatif ». Or, les juges ont estimé ici que cette preuve n’était pas du tout rapportée.
Sur le fond, il est également rappelé que le temps passé par les représentants du personnel à leur information personnelle ne peut être inclus dans les heures de délégation que si l’information se rattache directement à une difficulté particulière à leur entreprise.
D’après les constats des juges, « la réunion du 20 janvier 2018 avait pour objet de rencontrer d’autres délégués du personnel d’autres entreprises de la grande distribution pour échanger avec eux » et « le rendez-vous du 5 février 2018 avait pour objet des heures de préparation sur le délit d’entrave et le droit d’alerte eu égard au climat délétère existant dans l’entreprise et à la plainte déposée par l’employeur pour dénonciation calomnieuse ».
Par ailleurs, « le salarié expliquait que sa participation aux réunions organisées par la CGT était liée aux difficultés qu’il rencontrait dans l’entreprise pour exercer son mandat » et que, le 13 mars 2018, il avait « répondu à la convocation de la gendarmerie en sa qualité de représentant du personnel à la suite d’une plainte pour dénonciation calomnieuse déposée par l’employeur et non à une convocation qui lui aurait été délivrée à titre personnel ».
Conclusion des juges : « La participation aux réunions syndicales litigieuses et les recherches personnelles étaient en lien avec les difficultés rencontrées par le salarié dans l’entreprise à l’occasion de l’exercice de son mandat ».