Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : « L’employeur peut-il agir contre un membre du CSE qui a détourné des fonds ? Le CSE peut-il participer au financement de la couverture santé fournie par l’entreprise aux salariés ? Que devient le mandat d’un élu du CSE si son contrat de travail est transféré à une autre entreprise à la suite d’une fusion ou d’une absorption ? »
Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefebvre Sarrut (le groupe dont font partie Les Éditions Législatives qui éditent actuEL-CSE.fr), les juristes d’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois de novembre 2020.
 
Question n°1
« L’employeur peut-il agir contre un membre du CSE qui a commis un détournement de fonds ? »
 

► La réponse d’Hélène Raimundo, juriste à l’Appel Expert

L’employeur peut agir pour le compte du CSE, à condition de détenir un mandat express du CSE  
 
 

Voici une question inédite qui nous a été posée par un élu. Le trésorier du CSE a détourné une dizaine de milliers d’euros. Le CSE a donc agi contre lui en justice pour demander le remboursement de cette somme, et obtenu gain de cause devant les juges. Mais pour faire appliquer la condamnation, c’est-à-dire saisir un huissier pour saisir les sommes sur le compte bancaire du trésorier, qui peut agir ? L’avocat de la direction soutient que l’employeur peut s’en charger. Se pose donc la question suivante : qui peut agir au nom du CSE ? Aucune jurisprudence ne permet de reconnaître le bien-fondé de l’action de l’employeur, car à partir du moment où le CSE détient la capacité d’agir en justice grâce à sa personnalité juridique, cette capacité se prolonge tout au long de la procédure.

Mais revenons tout d’abord au détournement de fonds : en principe, le budget des activités sociales et culturelles (ASC) est librement utilisé par les CSE, pourvu qu’il soit conforme à son objet, c’est-à-dire le financement des ASC au profit des salariés. L’utilisation du budget doit cependant faire l’objet d’une approbation par la majorité des membres du CSE présents. Même le trésorier ne fait pas ce qu’il veut ! 

L’abus de confiance est passible de 3 ans de prison  et 375 000€ d’amende

 

Quand un membre du CSE détourne des biens ou des subventions à son profit, il commet un délit d’abus de confiance, sanctionné jusqu’à 3 ans de prison et 375 000 € d’amende. Ce détournement cause au CSE un préjudice, donc seul le CSE a le droit d’agit en justice contre le trésorier auteur des faits. La jurisprudence a d’ailleurs précisé dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 novembre 1992 (n° 92-81.499) que « le  détournement d’éléments du patrimoine du CSE n’est pas de nature à causer un préjudice direct à la société elle-même, et n’ouvre de ce fait aucun droit à agir au représentant légal de celle-ci ». 

Le détournement cause donc un préjudice au seul CSE et pas à l’entreprise. Le CSE seul a donc qualité à agir. Mais l’employeur en est le Président, il peut donc agir pour le compte du CSE à condition de détenir pour cela un mandat express du CSE.

Le CSE peut donner mandat dans une délibération 

 

Ce mandat peut être donné de deux manières : soit il est inclus dans une clause du règlement intérieur du CSE, soit il est donné via une délibération du CSE adoptée à la majorité de ses membres. Voici un exemple de défaut de mandat, dans un arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2010 (n° 09-12.758) : le Président du CSE a voulu agir en justice à l’occasion du renouvellement des instances de représentation du personnel, et avait demandé au trésorier sortant de lui fournir les comptes et documents du CSE. Cette action fut considérée comme irrecevable car le Président n’avait pas de mandat pour agir pour le compte du CSE. En pratique, en fonction du climat social et des relations des membres du CSE entre eux, les élus peuvent préférer donner mandat pour agir au secrétaire de l’instance.

 

Question n°2
« Le CSE peut-il participer au financement de la couverture santé des salariés »
 

► La réponse d’Hélène Raimundo, juriste à l’Appel Expert

Rien n’interdit au CSE de prendre en charge les cotisations des salariés ou de verser des suppléments à l’assureur 
 

 

Cette question concerne surtout les CSE de grosses entreprises qui disposent de moyens conséquents. Rappelons que, depuis 2016, la couverture santé est obligatoire dans toutes les entreprises. Elle peut d’ailleurs être un atout dans le recrutement de nouveaux salariés, et elle attire désormais les candidats au même titre que les primes ou le treizième mois. Les CSE peuvent compléter la couverture de deux manières : soit en prenant en charge tout ou partie des cotisations des salariés dans les régimes des assurances complémentaires de santé, de prévoyance ou de retraite, soit en versant des cotisations supplémentaires pour financer des garanties directement auprès de l’organisme assureur.

 Attention de respecter les plafonds en additionnant les contributions de l’employeur et du CSE !

 

 

En revanche, hors de question que le CSE prenne en charge les cotisations patronales ! L’article L.911-7 du code de la sécurité sociale impose à l’employeur d’assurer la moitié du financement de la couverture obligatoire de l’entreprise. Une circulaire Questions-Réponses n°6 de la Sécurité sociale, datée du 29 décembre 2015 précise d’ailleurs que « la participation du CSE ne peut venir en déduction de ce financement patronal minimal obligatoire ».

Quant au régime social des sommes ainsi versées par le CSE, il est assimilé à celui des cotisations employeur. Les versements sont donc exonérés de cotisations sociales si les plafonds posés par le code de la sécurité sociale sont respectés. Au-delà, les sommes sont soumises aux cotisations. Et attention : la limite des plafonds est calculée en faisant masse des contributions patronales et de celles du CSE. Si le plafond est dépassé, il faut alors payer des cotisations sur la part excédentaire.

 

Question n°3
« Que devient le mandat d’un élu du CSE si son entreprise est absorbée par une autre ? »
 

► La réponse d’Hélène Raimundo, juriste à l’Appel Expert

Tout dépend de l’autonomie de l’entreprise employant l’élu après la fusion 
 
 

Cette question du sort des mandats en cas de transfert des contrats de travail à cause d’une fusion ou absorption d’une entreprise par une autre revient régulièrement : le mandat de l’élu du CSE est-il maintenu jusqu’à son terme ? 

La fusion d’une entreprise dans une autre représente une modification de la situation juridique de l’employeur. Il faut distinguer deux situations :

  1. l’entreprise absorbée conserve son autonomie de gestion. Elle devient alors un établissement distinct de l’entreprise absorbante. Dans ce cas, les mandats se poursuivent dans la nouvelle entité. Ils peuvent aussi être réduits ou prorogés pour tenir compte du rythme électoral de l’entreprise d’accueil. Voici quelques indices d’autonomie de gestion : l’entreprise absorbée conserve son site géographique indépendant de celui de l’entreprise absorbante, le personnel continue de travailler sans se mélanger aux autres salariés ;
  2. en revanche, si la fusion ou l’absorption a pour effet d’assimiler les salariés de l’entreprise absorbée, à les intégrer dans les effectifs de l’entreprise d’accueil, alors l’entreprise ne conserve pas son autonomie. Le mandat des élus prend donc fin de plein droit à la date de transfert des contrats de travail, comme le disent les arrêts du Conseil d’Etat du 8 janvier 1997 puis de la Cour de cassation le 18 novembre 2009 (n° 09-42.920).

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