Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert répond dans ces colonnes à plusieurs questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. En avril, nous avons choisi de traiter des problématiques liées à la crise sanitaire en traitant ces trois questions : « Un élu du personnel peut-il assister un salarié convoqué à un entretien préalable de licenciement ? Avec le confinement, les élus peuvent-ils utiliser l’enveloppe sport et loisirs du CSE pour financer des abonnements type Netflix ? Comment doivent être rémunérées les heures de délégation d’un salarié protégé se trouvant en activité partielle ? »

Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefevre-Sarrut (*), les juristes d’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir quelques questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois d’avril marquée comme il y a un mois par une thématique commune : la situation liée à la pandémie du covid-19, dit coronavirus. 

Question n°1
« Durant cette crise sanitaire, un élu du personnel peut-il assister un salarié convoqué à un entretien préalable de licenciement  ? »
 
► La réponse de Manuela Montserrat, juriste à l’Appel Expert
 
L’élu du personnel peut assister le salarié, soit lors d’une réunion physique, soit lors d’un entretien à distance si toutes les parties sont d’accord  
 C’est bien sûr possible pour un élu du personnel d’assister un salarié convoqué à un entretien préalable de licenciement, même pendant la crise sanitaire. Si l’employeur part sur un entretien physique, ce qui est plus fréquent qu’on ne le croit en ce moment, il doit délivrer au salarié convoqué ainsi qu’à l’élu qui l’assiste un justificatif de déplacement professionnel. Cela fait partie des cas de dérogation au confinement, au titre de l’activité professionnelle. Dans ce cas, les personnes assistant à l’entretien devront respecter les fameux gestes barrières (gel, masques, distanciation physique, etc.). L’entretien peut-il aussi se dérouler en visioconférence ? La question nous est très souvent posée en ce moment. A ce jour, les modalités et les délais des sanctions n’ont pas été modifiés par le gouvernement pour tenir compte de la crise sanitaire, contrairement à ceux traitant des réunions du CSE, autorisées par visioconférence, audioconférence et même messagerie instantanée. Et la jurisprudence n’a pas tranché cette question. Il y a bien un arrêt de 1991 nous disant qu’une conversation téléphonique ne saurait remplacer un entretien préalable mais cela ne paraît pas probant pour notre situation car une simple conversation téléphonique ne permet pas de s’assurer de l’identité de son interlocuteur. La visioconférence paraît en revanche remplir ces conditions. Reste que nous sommes, en l’absence de textes spécifiques, dans l’incertitude : comment réagira un juge confronté à un entretien préalable conduit en visiconférence ? Nous ne savons pas. Si l’employeur propose néanmoins cette visioconférence pour la tenue de l’entretien préalable et que le salarié l’accepte, elle peut très bien se dérouler à trois, en présence de l’élu assistant le salarié. Il faut pour cela une plateforme permettant ce multi-accès.

 

Question n°2
« Avec le confinement, les élus peuvent-ils utiliser l’enveloppe sport et loisirs du CSE pour financer des abonnements type Netflix ? »
 
► La réponse de Manuela Montserrat, juriste à l’Appel Expert
 
Cela paraît possible. Mieux vaut acter ce changement par un vote du CSE et en informer les salariés  

Une élue de CSE nous a demandé s’il était possible de réaffecter l’enveloppe que le CSE consacre aux sports et loisirs pour tenir compte du confinement et proposer d’autres services plus adaptés aux salariés, comme par exemple une prise en charge partielle d’un abonnement type Netflix. Sur le principe, cela paraît en effet tout à fait possible. Ce type d’abonnement offre un accès à la culture, il correspond à une activité sociale et culturelle qui peut participer à l’amélioration de vie, de travail et d’emploi des salariés. Mais nous ne disposons pas d’un texte précis des Urssaf sur le sujet. Il paraît prudent que les élus qui envisagent un tel changement l’actent officiellement par un vote du CSE, et qu’ils communiquent cette décision aux salariés : « A partir de tel jour, le remboursement opéré par le CSE pourra concerner… »

Question n°3
« Comment doivent-être rémunérées les heures de délégation d’un salarié protégé se trouvant en activité partielle ? »
 
► La réponse de Manuela Montserrat, juriste à l’Appel Expert
 
Pour nous, l’heure de délégation correspond à du travail effectif et doit être rémunéré en conséquence, et non pas sur la base du chômage partiel  
 
La question de savoir comment doivent être rémunérées les heures de délégation d’un salarié protégé se trouvant placé tout ou partie en activité partielle fait débat, et cela n’est pas sans rappeler la situation de 2008 lors de la crise économique, avec des pratiques qui différaient déjà selon les entreprises. Certains soutiennent qu’il ne doit pas y avoir de différences entre les salariés et donc que la rémunération de ces heures ne doit pas donner d’avantages au représentant du personnel par rapport aux autres (Ndlr : lire notre article). Mais on peut soutenir aussi, et c’est plutôt notre position, que les heures de délégation prises par un salarié protégé même en activité partielle doivent être rémunérées sur la base de sa rémunération habituelle. Il faut en revenir au principe, qui est bien connu : l’utilisation d’heures de délégation ne doit entraîner aucune réduction de salaire pour le représentant du personnel. Cela signifie qu’une heure de délégation correspond à une heure de travail effectif, et non à une situation d’inactivité, et que la rémunération de cette heure doit donc correspondre à 100% de la rémunération du salarié protégé, et non pas à 84% comme c’est souvent le cas pour l’activité partielle. Il nous semble donc que l’employeur doive retirer du décompte de l’activité partielle du salarié protégé les heures effectuées au titre de sa délégation et rémunérer celles-ci à 100% comme du travail effectif. Sur ce sujet, on ne peut que regretter l’absence de précisions réglementaires ou administratives, d’autant que les pratiques sont très différentes d’une entreprise à l’autre.

(*) le groupe auquel appartient les Éditions Législatives, éditeur d’actuEL-CSE.fr.

► Voir les questions-réponses du mois de mars, également entièrement consacrées à la crise sanitaire

Source – Actuel CSE