Le nouveau mandat est tout beau, tout neuf, mais déjà, l’ampleur de la tâche paraît immense. Les sujets qu’un élu de CSE doit savoir sont nombreux et complexes. Lors du salon CSE qui s’est tenu à Lille les 16 et 17 septembre, nous avons assisté à une conférence du cabinet de juristes Celiade, présentant les 10 points que doivent connaître les élus débutants pour être plus vigilants et éviter les erreurs fatales.

« Une fois que les erreurs sont commises, c’est trop tard et on s’en mord les doigts ! ». C’est avec humour que Céline Bascazeaux, fondatrice du cabinet de juristes Celiade, a introduit sa conférence lors du salon CSE de Lille, vendredi 17 septembre. L’ancienne élu de CE sait de quoi elle parle : « On se dit qu’on apprendra sur le tas mais en réalité c’est impossible car les nouvelles lois viennent sans cesse bousculer nos maigres connaissances ». C’est pourquoi Céline Bascazeaux a conçu ces 10 points de vigilance à l’usage des nouveaux élus. De la formation aux heures de délégation, des transferts de budgets à l’irrévocabilité des mandats, voici un tour d’horizon de ces repères bienvenus.

1. Reportez vos heures de délégation  : oui, mais dans certaines limites

Depuis la fusion des instances et la création du CSE, les élus peuvent cumuler leurs heures de délégation et les reporter sur le mois suivant. Attention, ce report n’est possible que dans la limite de 12 mois glissants. Les élus peuvent également mutualiser leurs heures dans une sorte de pot commun et les répartir ensuite entre eux. Par exemple, un CSE de 5 élus avec chacun 20 heures de délégation mutualisent ainsi 100 heures. « Mais souvent les nouveaux élus ignorent qu’une fois les heures mutualisées, ils ne peuvent pas utiliser plus d’une fois et demi le crédit d’heure mensuel, c’est-à-dire 30 heures dans notre exemple », relève Céline Bascazeaux qui conseille donc aux élus de bien comptabiliser leurs heures, quel qu’en soit le moyen, comme un tableau Excel ou un cahier manuscrit, « pourvu que ce soit une méthode simple et claire », ajoute-t-elle.

Une élue qui assiste à la conférence expose le cas de son entreprise où l’employeur a accordé 5 heures de délégation aux élus suppléants, et interdit par accord au élus de mutualiser leurs heures. Céline Bascazeaux répond : « C’est totalement illégal, la mutualisation des heures est d’ordre public, on ne peut pas y déroger par accord ».

2. Transférez 10 % de l’excédent annuel du budget : avec prudence

Le CSE peut transférer un excédent annuel du budget de fonctionnement vers celui des ASC (activités sociales et culturelles) dans la limite de 10 %. « Attention, vous ne pouvez pas transférer 10 % du budget total, et vous ne pouvez pas non plus toucher aux excédents comptabilisés en réserve », précise Céline Bascazeaux. Par exemple, pour un reliquat de 5000€ sur le budget de fonctionnement, le CSE peut transférer 500€ vers les ASC. Le transfert est aussi possible du budget des ASC vers le budget de fonctionnement avec la même limite de 10 %, mais il est plus rare que le budget des ASC soit excédentaire. La décision de transfert doit être formalisée dans une délibération du CSE. L’excédent est calculé au moment de l’arrêté des comptes. Si un transfert est décidé, le CSE ne peut plus bénéficier du financement des expertises par l’employeur (consultations ponctuelles et orientations stratégiques). « Soyez prudents avec les transferts, car l’employeur ne sera plus obligé de vous aider financièrement pendant 3 ans après le transfert », avertit Céline Bascazeaux (voir ci-dessous).

3. On ne choisit pas son suppléant !

L’ordre de suppléance des élus est prévu par le code du travail, au regard des règles d’appartenance syndicale. Tout d’abord, le suppléant qui remplace l’élu doit être choisi sur la même liste syndicale que celle du titulaire, et selon les principes suivants :

  • le suppléant doit être de même catégorie professionnelle que le titulaire ;
  • à défaut, le suppléant doit appartenir au même collège ;
  • à défaut, le titulaire est remplacé par un suppléant élu appartenant à un autre collège.

Si le titulaire ne figurait sur aucune liste syndicale, on applique le même ordre de remplacement en retenant le suppléant qui a obtenu le plus grand nombre de voix.

4. On peut perdre son mandat si on perd sa carte syndicale
En principe, un élu est élu pour 4 ans, et ce mandat est irrévocable. Mais un accord d’entreprise peut prévoir une durée plus courte, en restant supérieure à 2 ans. Le mandat prend fin par exemple suite au décès de son titulaire, à la rupture du contrat de travail, ou encore en raison d’un conflit d’intérêt avec l’employeur. Céline Bascazeaux indique aux élus présents à la conférence un cas moins connu de fin du mandat : « Il y a quelque temps, on a vu le cas d’un élu de CSE qui appartenait à la CGT se porter candidat à des élections législatives sous l’étiquette Front National. Pour la CGT, c’était incompatible avec ses valeurs. L’élu a donc perdu sa carte syndicale et a dû quitter le CSE ».
5. Attention aux abus de confidentialité des documents
Certains documents remis par l’employeur au CSE ou informations présentes dans la BDES (base de données économiques et sociales) sont confidentiels. « N’allez pas divulguer ces éléments. Par exemple, les informations communiquées dans le cadre de la procédure l’alerte économique, ou en lien avec la recherche d’un repreneur, sont confidentielles par nature », alerte Céline Bascazeaux. En revanche, il existe des cas où au contraire, l’employeur commet des abus de confidentialité et s’oppose à la révélation par le CSE d’informations qui en réalité ne sont pas confidentielles (le nombre d’hommes et de femmes dans l’entreprise par exemple).
6. Le CSE est tenu de respecter le RGPD dans le traitement des données
Lorsque le CSE gère les activités sociales et culturelles, il récolte de fait des données personnelles des salariés, comme la date de naissance, la situation matrimoniale ou le nombre d’enfants. Ces données relèvent du règlement général de la protection des données (RGPD).  « Vous devez tenir un registre de ces données et désigner un élu responsable de leur traitement. Les données doivent aussi être sécurisées, prévoyez des mots de passe et installez des antivirus », indique Céline Bascazeaux. Elle poursuit : « Soyez vigilants avec vos sites de billetterie, le salarié doit consentir au traitement de ses données, il doit pouvoir y avoir accès et disposer d’un droit de rectification. Attention car il y a de plus en plus d’anciens salariés qui attaquent le CSE une fois avoir quitté l’entreprise « .
7. La formation économique peut être accordée à un élu suppléant
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les élus titulaires bénéficient d’une formation économique de 5 jours fractionnables. Son financement est assuré par le CSE sur le budget de fonctionnement. « Cette formation porte, par exemple, sur la lecture de comptabilité d’une entreprise, le droit du travail, la stratégie financière. Trop d’élus méconnaissent leur droit à la formation », regrette Céline Bascazeaux.
Celle-ci indique que contrairement à ce que croient beaucoup d’élus, la formation n’est pas interdite aux élus suppléants, mais ils doivent pour cela obtenir l’accord de l’employeur et bénéficier d’un don d’heures de délégation d’un élu titulaire ». Titulaires et suppléants (de même que le réfèrent harcèlement) ont droit à une formation en santé sécurité et conditions de travail, si l’entreprise emploie au moins 11 salariés et même s’il existe une commission santé. La loi santé au travail a porté la durée de cette formation à 5 jours lors du premier mandat, et quel que soit l’effectif de l’entreprise (à compter du 31 mars 2022).
8. Précisez le remboursement des frais de déplacement dans le règlement intérieur du CSE
En principe, l’employeur prend en charge les frais de déplacement des élus pour se rendre aux réunions du CSE, notamment les réunions obligatoires et les réunions organisées à l’initiative de l’employeur. Le CSE prend en charge les frais de déplacement qui ne relèvent pas de l’employeur, comme par exemple les frais engendrés à l’occasion d’une réunion préparatoire. « Soyez précis dans votre règlement intérieur, fixez des plafonds de prise en charge des repas, des billets de train ou encore des nuits d’hôtel car si vous ne le faites pas, rien ne peut empêcher un élu de prendre une chambre à 150€ », exhorte Céline Bascazeaux.
9. La prise en charge d’une expertise par l’employeur est limitée
Si le CSE n’a pas les moyens de financer une expertise sur son budget de fonctionnement (en particulier sur les orientations stratégiques et les consultations ponctuelles), l’employeur doit en prendre en charge l’intégralité. Mais ce principe comporte des limites, et deux conditions cumulatives doivent être respectées :
  • le CSE ne doit pas avoir effectué de transfert du budget de fonctionnement vers les ASC au cours des trois années précédant l’expertise ;
  • le CSE ne devra plus effectuer de transfert de budget au cours des trois années suivant l’expertise.
10. Préparez-vous aux réunions avec l’employeur

Le CSE est une instance collégiale. Son avis est rendu de manière collective. « Vous ne devez pas arriver aux réunions de CSE avec l’employeur en étant divisés et non préparés. Utilisez les réunions préparatoires pour prendre les conseils d’un avocat ou d’un juriste », conseille Céline Bascazeaux.

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